LA FILIÈRE MOBILISÉE AU SUSTAINABLE LEATHER FORUM

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Première édition du Sustainable Leather Forum
Première édition du Sustainable Leather Forum
Crédits : 
CNC-P&M
16 septembre 2019
  • Maison de la FNTP

Crédits : 
CNC - P&M

 

La capitale a accueilli le 16 septembre dernier un événement d’envergure organisé par le Conseil National du Cuir. Le Sustainable Leather Forum a permis, pour la première fois, de dresser un état des lieux des bonnes pratiques menées par les entreprises responsables au sein de la Filière Française du Cuir.

« La filière du cuir est une success story à la française, a rappelé Frank Boehly, président du CNC, en guise d’introduction. Notre industrie se classe au 4ème rang mondial, joue dans la cour des grands avec 25 milliards de chiffre d’affaires alors qu’elle a perdu par le passé jusqu’à 90% de ses emplois. Elle est l’activité de recyclage la plus ancienne au monde. Nous transformons la peau, qui est un sous-produit du secteur de la viande et du lait, en un cuir de grande qualité. La RSE se définit comme la prise en compte volontaire par l’entreprise de l’impact social, économique, environnemental de ses activités. Dans nos métiers, cela se traduit par l’éco-conception, l’innocuité, la gestion responsable des importations, le bien-être social et animal ou encore le respect de la propriété intellectuelle ». 

 

Une mode plus responsable

Mode et cuir sont étroitement liés. Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Economie et des Finances, a parlé du cuir français comme d’une « industrie leader de la durabilité et de la compétitivité. L’éco-conception et la durabilité représentent à la fois un enjeu et un défi. En portant le Fashion Pact lors du G7 à Biarritz, le gouvernement lui a donné un sens politique et économique. Les entreprises ont la solution. Mais produire autrement, c’est quand même produire. Le consommateur est prêt à changer et appelle les entreprises à s’adapter ». Un avis conforté par Edwige Rey, rapportant les conclusions de la dernière étude Mazars consacrée au Nouveau luxe éthique. « La conviction de l’importance de la RSE et la pression exercée par le consommateur sont les deux principaux leviers observés. L’ancrage territorial, en hausse, est une autre spécificité qui donne de la valeur au produit. Ce qui est train de devenir essentiel, c’est le recyclage ». Le secteur du luxe est lui-même porteur d’exemple. Tel Louis Vuitton, dont Christelle Capdupuy, en charge du développement durable, est venue présenter les engagements inscrits au sein de son business mondial. Le programme Life existe depuis 2012 et concerne les 24 000 collaborateurs du groupe. Chez Kering, « le développement durable est devenu concret, a affirmé Marie-Claire Daveu, directrice du développement durable et des affaires institutionnelles internationales. Dans le luxe, on est responsable. Les consommateurs nous interpellent, spécialement les millennials, les gen z. Notre premier outil date de 2015. Le cuir est la première matière achetée, c’est aussi celle qui a le plus gros impact environnemental. Nous visons l’intégralité de nos cuirs sans métaux lourds en 2025. Avec le Fashion Pact, l’idée est d’aller au-delà de la règlementation ».

 

Traçabilité exigée

La transformation du cuir est une activité industrielle complexe soumise à une réglementation stricte. Améliorer la performance environnementale tout au long de la chaîne - de l’élevage à la tannerie -, est une priorité qui ne se limite pas à l’hexagone. « Au Brésil qui est un pays immense, tracer tous les animaux est un défi, a assuré Rafael Andrade, dirigeant de Wow Creative Solutions & Strategy. Nous voulons mobiliser les éleveurs et remonter le niveau de traçabilité avant l’abattoir ». La France dispose d’un système de traçabilité unique, le marquage laser de la peau, dont Cédric Vigier, responsable Innovation de CTC, a décrit le dispositif novateur. « Son procédé est très performant. Tous les acteurs de la supply chain peuvent l’utiliser. Il est en cours de déploiement ». Jean-Christophe Muller, qui fournit un grand nombre de marques de luxe avec le veau de la tannerie Haas, a souligné que « le marquage allait permettre de maîtriser l’amont de la filière. La traçabilité nous occupe depuis une quinzaine d’années. Le terme RSE est apparu il y a quelques années, comme une nébuleuse… On sent aujourd’hui une nette accélération. Nos clients veulent être rassurés. Nos métiers sont à la veille d’une nouvelle révolution».

 

Chaussure et maroquinerie sur le terrain

Avec une moyenne de six paires annuelles par habitant, la France est le premier marché européen de la chaussure. Le secteur fait cependant face à un contexte difficile depuis plusieurs années. Des initiatives prouvent qu’il s’adapte. C’est le cas avec la charte Innoshoe, lancée en 2011 par un groupe d’industriels choletais. « Elle garantit la sécurité chimique des chaussures, assure Anne-Céline Humeau, présidente du groupe Humeau-Beaupréau. Le prochain volet portera sur l’environnement ». Le groupe Eram compte 6 000 collaborateurs et 1 100 points de vente. Gauthier Bedek, responsable R&D, a mis en avant la dernière stratégie d’innovation de l’enseigne Bocage. « Le défi est d’aller plus loin sur le marché de la seconde main. Notre concept de location et de reconditionnement est ancré sur le territoire ». La maroquinerie stimule aujourd’hui le secteur du cuir en valorisant la qualité de la matière première et l’excellence du savoir-faire. Hermès, qui emploie 3500 artisans en région, a intégré la RSE dans sa « stratégie de développement maîtrisé. La maison a la culture de la discrétion et le sens de la responsabilité, a précisé Emmanuel Pommier, responsable du Pôle artisanal maroquinerie sellerie. L’artisan est respectueux de la matière et en fait un usage parcimonieux. Nos dernières maroquineries réhabilitent d’anciens bâtiments et friches. Rapprocher l’emploi du logement, c’est très moderne ». A la tête de SIS Groupe – sous-traitant du luxe -, Jean-Yves Chauvy accueille un nombre croissant d’artisans en reconversion dans son centre de formation et soutient une politique sociale qui fait ses preuves. Autant d’actions qui ont conduit Frank Boehly à conclure cette journée de débats. « Notre filière est unie autour de la RSE. Une conscience nouvelle est en train d’émerger. Afin d’aller encore plus loin ensemble, nous travaillons à la création d’une charte commune avec des engagements concrets et crédibles ».