NEWSLETTER N°24 // LA DURABILITÉ EN ACTION(S)

Le nombre et la qualité des comportements responsables chez les spécialistes français du cuir ne cessent de progresser... La Filière le fait savoir dans son Livre Blanc RSE, fruit des échanges tenus lors du Sustainable Leather Forum du 16 septembre dernier. La réglementation et l’innovation se révèlent être des outils essentiels pour accroître la performance des entreprises.

 

LE LIVRE BLANC RSE DU CUIR FRANÇAIS

La RSE est une réalité dynamique chez les professionnels français du cuir. L’édition d’un livre blanc dédié - synthèse du premier Sustainable Leather Forum - en témoigne. La seconde édition de l’événement se tiendra à Paris le 14 septembre prochain.

Le Conseil National du Cuir a édité un livre blanc dédié à la RSE, synthèse du premier Sustainable Leather Forum.
Le Conseil National du Cuir a édité un livre blanc dédié à la RSE, synthèse du premier Sustainable Leather Forum.
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Metropolitan Influence

La filière cuir défend une économie responsable. En organisant en septembre 2019 un symposium dédié, elle a démontré l’engagement au quotidien des industriels français. « La RSE a longtemps été une option, elle est devenue une obligation », soutient Jean-Christophe Müller, directeur des tanneries Haas. Les bonnes pratiques éthiques, sociales, environnementales, économiques, regroupées dans le Livre Blanc RSE, sont en phase avec les enjeux stratégiques de la RSE pour l’avenir du cuir. L’outil s’articule autour de cinq grands thèmes. A côté de sujets tels que la normalisation des engagements RSE, la bientraitance animale, ou la préservation des savoir-faire, les questions relatives à la protection de l’environnement et à la sécurité du consommateur occupent une place décisive.

Respect de l’environnement et économie circulaire

La loi du 19 juillet 1976 sur les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) constitue la base juridique de l’environnement industriel en France. L’industrie française du cuir est largement mobilisée pour améliorer ses procédés RSE et mettre en œuvre des solutions durables et responsables qui vont bien au-delà de la règlementation européenne. Elle s’appuie sur l’expertise de CTC, leader international en contrôle qualité et développement durable pour le cuir, la chaussure, la maroquinerie, la ganterie et l’habillement. La réduction de l’impact environnemental représente une priorité absolue. Les entreprises de la tannerie mégisserie en France sont soumises aux règlementations en vigueur, parmi les plus élevées au monde. Elles concentrent leurs efforts en matière de gestion de l’eau (réduction de consommation, amélioration des systèmes d’épuration) et de protection de l’air. La science a permis à l’industrie du cuir de réduire les émissions de solvants organiques dans l’air de 90% pour la plupart des types de cuir. L’industrie du cuir s’inscrit naturellement dans le cadre de l’économie circulaire. « En transformant la peau d’un animal élevé pour sa viande ou son lait en une matière renouvelable, notre industrie est l’activité de recyclage la plus ancienne au monde », souligne Frank Boehly, à la tête du CNC. Le traitement de ses déchets représente un enjeu d’avenir. La filière recommande de les trier afin de les recycler. L’Atelier Bocage s’est ainsi positionné sur « l’économie de la fonctionnalité », en donnant une seconde vie aux chaussures. Dans le cadre de l’étude Thermicuir, CTC a mis en évidence le potentiel d’un nouveau débouché : la valorisation thermique des déchets du cuir.

Protection et sécurité du consommateur

Le consommateur, de plus en plus informé, exige de la transparence. La traçabilité du cuir est une question centrale pour l’ensemble de la filière, de l’élevage jusqu’à la distribution. Comment tracer l’origine du cuir, son traitement, la fabrication du produit ? CTC, le Centre Technique du Cuir, a conçu un système global de traçabilité des cuirs : un marquage au laser qui est une première mondiale. Déployé pour le cuir de veau, il est appelé à se généraliser. Le Sustainable Leather Forum a permis de rappeler l’innocuité du cuir et de préciser ses différentes méthodes de tannage : au chrome ou minéral (l’essentiel de la production mondiale), végétal (le plus ancien), synthétique (le plus récent). Toutes sont soumises à la stricte réglementation Reach. Concernant la contrefaçon, la France s’est dotée d’un cadre juridique large et contraignant pour la combattre. L’hexagone est pourtant le troisième pays le plus touché. L’industrie du cuir est mobilisée pour protéger sa production et veiller à ce que le consommateur ne soit pas trompé. En effet, la filière attire l’attention sur certains abus de langage, source de confusion pour le consommateur. En France, l’utilisation du mot cuir fait l’objet d’un décret du code de la consommation depuis 2010. La Confédération des Associations Nationales des Tanneurs et Mégissiers de la Communauté Européenne (Cotance), la Fédération Française de la Tannerie Mégisserie (FFTM) et le Conseil National du Cuir œuvrent ensemble pour une reconnaissance du mot cuir en Europe et l’interdiction des appellations erronées telles que « cuir d’ananas », « cuir de champignons » et autres « eco leather » ou « vegan leather ».

 

LA NORMALISATION DES ACTIONS RSE

La Filière Française du Cuir soutient les entreprises responsables. ISO 26000, Lucie 26000, le Global Compact, Leather Working Group encadrent et normalisent leur engagement. Faisons le point pour établir une feuille de route durable…

Crédits : 
Metropolitan Influence

La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) a émergé au début du XXIème siècle. L’ONU a proposé aux entreprises un contrat en dix points pour mettre en place une politique de RSE. Parmi eux, le respect des droits humains, les normes internationales du travail, la protection de l’environnement… Ce pacte mondial est lancé en 2000 par Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies. Baptisé Global Compact, il se décline par pays et a fixé, d’ici 2030, 17 objectifs en matière de développement durable. L’engagement volontaire se double pour chaque entreprise d’une démarche de progrès.

La norme internationale du développement durable et de la RSE a été créée en 2010 par l’Organisation Nationale de la Normalisation. ISO 26000, comme toute norme, a un caractère volontaire. Ce standard mondial offre aux entreprises un cadre de réflexion stratégique autour de sept questions centrales de la RSE : gouvernance, relations et conditions de travail, environnement, loyauté des pratiques, droits de l’homme, questions relatives aux consommateurs, communautés et développement local.

Alignée sur la norme ISO 26000, Lucie 26000 est le label français de certification RSE. Le prénom Lucie fait volontairement référence aux origines de l’humanité… Son but : former les PME, quelle que soit leur taille, en vue de leur normalisation.

Le Leather Working Group est un autre programme de certification. Le LWG promeut les meilleures pratiques en termes d’environnement, de sécurité, de qualité auprès des tanneurs et des revendeurs intermédiaires. Les membres certifiés sont présents dans 21 pays et représentent plus de 10% de la production mondiale du cuir. Une reconnaissance et un outil de performance confirmés par Olivier Raynaud, à la tête de la mégisserie Raynaud. « Notre secteur est soumis à une réglementation européenne très stricte. Mais nos clients veulent être rassurés sur la qualité du cuir ».

En deux décennies, la RSE est montée en puissance. La normalisation peut être considérée comme un accélérateur d’innovation et un levier de croissance. Selon Alan Fustec, DG de Goodwill management, « les entreprises responsables sont 13% plus rentables que les autres ». La Filière Française du Cuir veut aller plus loin et appelle les professionnels à « se structurer autour d’une charte commune à partir d’engagements clairs et réalistes », affirme Frank Boehly, président du Conseil National du Cuir.

 

UNE AVANCÉE INNOVANTE POUR GÉRER LES DÉCHETS CUIR

Valoriser les déchets tannés de la filière cuir en énergie, tel est l’objectif du projet Thermicuir mené par CTC avec Eco TLC. Régis Léty, son responsable Développement Durable, présente une technologie innovante au service de l’économie circulaire.

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FFTM - Vincent Colin - Metropolitan Influence

Pourquoi avoir choisi la valorisation thermique ?

La veille sur les voies de valorisation des déchets issus de la filière cuir est un enjeu majeur pour CTC. Produire de l’énergie à partir de résidus de cuir est une orientation possible. En France, la production de chaleur représente la moitié de la consommation d’énergie. L’objectif national est de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (Ademe) soutient des installations capables d’utiliser des Combustibles Solides de Récupération (CSR). Des CSR à base de cuir peuvent être utilisés comme combustibles pour produire de la chaleur et de l’énergie. Deux raisons principales nous ont conduit à la gazéification. Ce mode de transformation de la matière organique en un mélange gazeux conviendrait à un site industriel, type tannerie, ayant besoin d’énergie. Cette option technologique est par ailleurs totalement sûre au plan sanitaire.

La gazéification s’applique-t-elle à l’ensemble des déchets de la filière cuir ?

La filière cuir génère différents types de déchets. Une catégorie est commune à l’ensemble des entreprises. Ce sont les déchets tannés. Ils sont susceptibles d’être traités. En tannerie mégisserie, on les trouve principalement sous forme de dérayures, de refentes. D’autres déchets industriels s’y prêtent, comme les chutes de cuir fini, issues d’opérations de coupe et de préparation en maroquinerie et chaussure. S’ajoute aussi le cuir provenant d’articles en fin de vie (chaussures, maroquinerie, habillement, ameublement). Le marché se structure peu à peu pour collecter les chaussures en fin de vie, trier et broyer les matériaux.

Les travaux de recherche ont débuté en 2017. Quelles ont été les principales étapes ?

Pour envisager la valorisation thermique, il a fallu s’assurer que les déchets tannés obéissaient aux critères réglementaires définissant les CSR. Les tests menés sur une unité de gazéification pilote ont démontré qu’ils avaient le même pouvoir calorifique que le bois mais nécessitaient des équipements de dépollution des fumées issues du traitement. Une seconde phase de tests a mis en évidence que les CSR de cuir pouvaient être densifiés sous forme de granulats afin d’optimiser le rendement énergétique. Le programme de recherche Thermicuir confirme la faisabilité technique de traiter les déchets via la gazéification.

Quelle est la viabilité économique de ce type de valorisation ?

Les pouvoirs publics veulent développer la filière des CSR. Les installations dédiées à leur utilisation sont encore peu nombreuses. La création en France de sites de broyage/granulation de CSR cuir est une option envisageable. Les entreprises de la filière sur le territoire pourraient s’équiper d’installations de gazéification pour peu qu’elles gagnent en compacité. La durée de retour sur investissement est estimée à quatorze ans. CTC poursuit sa veille sur le traitement thermique.