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EDITO

Vous venez d’être élu Président du Conseil National du Cuir (CNC), pourriez-vous nous expliquer ce qui vous a conduit à cette nouvelle responsabilité ?

 « À 63 ans, je peux dire que le cuir a été le fil conducteur de ma vie professionnelle. Pendant les 15 premières années de ma carrière, j’ai exercé le passionnant métier de détaillant en chaussure, puis je suis entré en 1995 dans le Groupe LABELLE, fabricant français de chaussures, en tant que directeur commercial de la filiale de distribution. En 1999, j’ai rejoint le groupe SALAMANDER pour en devenir son Président jusqu’en 2013. Ce groupe est l’un des principaux succursalistes européens sur le marché de la chaussure, de la maroquinerie et des accessoires. J’assure, aujourd’hui, la fonction de  Président de son Comité stratégique au niveau européen.

Parallèlement à ma carrière, j’ai voulu témoigner de mon engagement en participant au fonctionnement des instances syndicales au sein de notre secteur d’activité  pour défendre au mieux les entreprises de notre filière. J’ai ainsi été amené à prendre la présidence de la Fédération des Enseignes de la Chaussure, puis à prendre progressivement d’autres responsabilités (Administrateur du Conseil du Commerce de France, Vice–Président de CTC*, et de l’Alliance du Commerce, Grands Magasins UCV, Succursalistes Habillement FEH, Succursalistes Chaussures FEC, trésorier de l’association ADC au-delà du cuir. Paul Batigne, alors Président du Conseil National du Cuir, ayant décidé de ne pas se représenter, je me suis tout naturellement proposé à la présidence de cette confédération qui représente l’ensemble de la filière cuir. Je le remercie particulièrement pour son soutien et ses précieux conseils.

L’engouement des consommateurs pour le cuir  lors de cette dernière décennie m’a également impressionné. Les plus grands créateurs et artistes s’en sont emparés comme matière incontournable de leur art, les consommateurs du monde entier en apprécient la qualité et la créativité, le cuir est partout ! Dans ce contexte, valoriser la filière française du cuir est devenu ma mission et avoir été élu à la présidence du CNC est un grand honneur ! »

Selon vous, qu’est ce qui caractérise la filière française des industries du cuir ? Comment expliquez-vous son succès à l’international ?

« Une foule de mots me viennent immédiatement à l’esprit pour caractériser l’excellence de la filière : mondialisation, Made in France, savoir-faire unique, innovation, marques de renommée internationale …

La mondialisation : le marché français de la production des produits finis en cuir a été profondément modifié par l’appréciation croissante des consommateurs des pays émergents, notamment asiatiques.

Les marques françaises, en raison de leur créativité et de la qualité de leurs produits, sont devenues les principaux leaders du marché mondial.

Les chiffres le démontrent : 1er producteur mondial des cuirs finis de veau et exotiques, 3ème exportateur mondial de cuirs et peaux bruts, 3ème exportateur mondial d’articles de maroquinerie, 13ème exportateur de cuirs finis, nos entreprises ne cessent d’accumuler les succès à l’international.

Cependant, il en résulte une profonde mutation de l’organisation en amont de notre système de production et, dans ce contexte, il faut veiller à protéger l’ensemble des PME qui contribuent à la qualité de notre production.

Le Made In France : la filière cuir est un acteur majeur du Made in France, le savoir-faire français constitue l’identité de notre secteur d’activité, qu’il faut préserver à tout prix… Activité traditionnelle du traitement des peaux, inventivité des professionnels pour travailler le cuir, attractivité de la France dans le secteur de la mode font que nos produits sont les plus recherchés car ils confèrent à ceux qui les achètent une image de raffinement et de luxe inégalée.

Ses savoir-faire, c’est l’ADN de la production française. Il faut coûte que coûte les maintenir et les transmettre aux plus jeunes pour continuer à être parmi les meilleurs.

La volonté d’innovation permanente de nos industriels permet de créer les produits les mieux adaptés au confort et à la sécurité du consommateur.

Les grandes marques françaises du cuir contribuent à la renommée et au rayonnement commercial de la France à l’international. Leur excellence provient d’un réseau de très nombreux acteurs de grande qualité, notamment artisans et PME sans lesquels ces grandes marques ne sauraient être à la première place. »

Quels sont les défis auxquels la filière est confrontée et comment allez-vous y répondre ?

« J’en citerai 4 qui me paraissent essentiels pour l’avenir de la filière :

Lutter contre la pénurie de peaux françaises de qualité

La France étant une terre d’élevage et nos tanneries ayant développé un savoir-faire mondialement reconnu, nos peaux, tout particulièrement de veau et d’agneau, sont très recherchées. Malheureusement, nous ne pouvons répondre à l’ensemble de la demande des acheteurs. L’une des explications est que seulement 10% de ces peaux peuvent être utilisées par les industries du luxe, le reste étant classé en deuxième choix en raison des défauts liés aux parasites et aux blessures mécaniques provoquées notamment par les fils barbelés. Pour y remédier, un guide de bonnes pratiques a été édité pour les éleveurs. Pendant trois ans, CTC a mené une expérience pilote sur l’ensemble du territoire et a montré que la vaccination contre la teigne pouvait multiplier par 3 le rendement des peaux de veaux. Pour que cette vaccination soit mieux appliquée dans nos élevages, nous rencontrons parlementaires et responsables ministériels pour demander la généralisation de la vaccination des animaux et nous soutenons toutes les initiatives prises au niveau local. 

Proposer des formations mieux adaptées aux besoins des professionnels

La formation initiale aux  différents métiers du cuir s’appuie sur un réseau de 165 écoles préparant à 63 diplômes du CAP au BTS dans tous les secteurs de notre filière. Cependant, ces formations ne correspondent pas suffisamment aux besoins des entreprises. Il faut donc recenser ces nouveaux besoins et les mettre à l’ordre du jour des écoles du cuir. Aujourd’hui, les grandes entreprises sont amenées à créer leurs propres écoles en raison de cette situation mais elles s’adressent en priorité aux adultes demandeurs d’emploi.

Saluons les initiatives de certaines collectivités locales concernées par nos industries qui ont mis en place des dispositifs de formation pour les jeunes aux métiers du cuir. C’est le cas en Aquitaine, avec l’émergence d’un pôle d’excellence au lycée professionnel de Thiviers, ou en Franche–Comté, avec un pôle de formation à la maroquinerie qui réunit l’école Boudard et le lycée des Huisselets.

Les fédérations membres du CNC ont commencé à engager une réflexion globale sur le sujet de la formation initiale et professionnelle et nous allons la poursuivre tout en sensibilisant les parlementaires que nous rencontrons régulièrement.

Attirer les jeunes vers les métiers du cuir

Le vieillissement des effectifs qualifiés fait qu’un certain nombre vont bientôt partir à la retraite, ce qui met en difficulté notre production. Il est donc indispensable d’attirer les jeunes vers nos métiers, mais nous constatons trop souvent qu’ils sont peu connus. Après avoir publié un guide des métiers de la filière, nous allons renforcer nos actions de communication dans ce sens.

Développer les créations d’entreprises en soutenant les jeunes entrepreneurs de notre secteur

Notre secteur doit attirer les nouveaux talents, ce sont eux qui constitueront la filière de demain. Par sa participation à l’association ADC au-delà du cuir, le CNC, qui en est l’un des membres fondateurs aux côtés de la Fédération Française de la Chaussure, soutient les initiatives de jeunes entrepreneurs et le maintien en France des savoir-faire. Ce dispositif fonctionne depuis 3 ans et rencontre un grand succès. Aider cette association emblématique à atteindre ses objectifs mobilise l’ensemble de notre filière. »

Quelle sera votre stratégie pour valoriser la filière française du cuir?

« Pour répondre à ces enjeux, il est nécessaire de  donner de la visibilité à notre filière en renforçant son influence. Pour cela, nous allons développer et diversifier nos actions de communication et assurer une présence forte auprès des pouvoirs publics.

Pour attirer les jeunes, le CNC engage des actions pour faire connaître les métiers du cuir et permettre d’assurer le recrutement de nouveaux professionnels motivés qui choisiront volontairement d’entrer dans notre filière. C’est par exemple participer aux salons et événements destinés à la promotion de nos métiers, tels que l’Aventure des Métiers ou les Portes du Cuir, mettre à disposition du matériel de promotion, mettre en ligne notre guide des métiers et des formations et, grande nouveauté pour valoriser nos métiers auprès des jeunes, nous allons être présents de façon dynamique sur Facebook, Twitter, Instagram, Youtube…

Pour faire connaître les succès des entreprises de la filière (tannerie, chaussures, maroquinerie, distributeurs), les Rencontres du Cuir mettent en valeur deux fois par an une entreprise emblématique de notre secteur en ouvrant ses portes aux élus locaux et à la presse régionale.

Pour valoriser notre filière à l’international et montrer l’excellence de notre savoir-faire, la France va être « Focus Country », sous l’égide du CNC, au grand salon international du cuir APLF-MM&T, du 30 mars au 1er avril à Hong Kong. Nous y présenterons les jeunes talents français sur un stand de prestige baptisé « LA GALERIE, The French Touch » de 130 m². Cette action sera relayée par une campagne de relations médias nationale, professionnelle  et internationale.

Les pouvoirs publics et les politiques doivent également nous identifier comme un acteur de la production industrielle française et l’un des secteurs leader en matière d’exportations. Pour qu’ils connaissent mieux nos enjeux, nous multiplions les contacts pour montrer combien les entreprises de notre filière sont des éléments clés du Made in France et donc qu’elles doivent être soutenues par une politique volontariste qui leur soit favorable. Dans ce sens, nous demandons le déplafonnement de la taxe affectée pour accroître la performance des PME/PMI de la filière Cuir. Cette taxe permet aux plus petites entreprises de développer des programmes d’innovation, de recherche et de développement, facteurs clés pour leur réussite et leur compétitivité.

Outre les points que j’ai évoqués précédemment (formation, vaccination contre les parasites, création d’entreprises), nous les sensibilisons également sur les charges qui pèsent sur notre commerce spécialisé … »

Le CNC est une confédération qui réunit 19 fédérations, leurs préoccupations, ne sont-elles pas parfois différentes ? Comment allez-vous travailler ensemble ?

« La volonté de constituer une filière qui compte pour l’économie française, avec ses 8 000 entreprises, 70 000 salariés et 15 milliards d’€ de CA, anime tous ceux qui sont autour de la table du CNC.

Nos intérêts sont communs : produire en France, préserver les savoir-faire uniques, développer les compétences, exporter toujours d’avantage, alléger les charges, susciter les nouveaux talents …

Avec l’équipe des permanents du CNC, nous allons fédérer toutes les énergies pour répondre à ces différents défis en tenant compte des attentes des fédérations professionnelles membres du Conseil National du Cuir. »

 

FOCUS // LA FRANCE EN LIGNE DE MIRE À HONG KONG

Crédits : 
Conseil National du Cuir

Le Conseil National du Cuir valorise la filière française et ses expertises sur le salon APLF-MM&T.

Invitée d’honneur 2015 du salon APLF (Asia Pacific Leather Fair) – MM&T (Material Manufacturing&Technology), la France renforce sa position internationale en Asie et fait l’objet d’une opération d’envergure pilotée par le Conseil National du Cuir. Le Hong Kong Convention&Exhibition Center accueille pour la première fois, du 30 mars au 1er avril, LA GALERIE The French Touch, dédiée à l’excellence du cuir hexagonal. L’exposition intègre le Pavillon Français et ses acteurs venus plus nombreux cette année qu’en 2014.

La France est un acteur majeur à plus d’un titre. Son art de vivre, son sens de l’élégance et de l’inventivité sont reconnus dans le monde entier. Sa filière Cuir, complète et intégrée, est un fleuron de l’industrie qui fait rayonner, à échelle internationale, le Made in France. Sa tradition de l’élevage et ses entreprises performantes à l’export servent une innovation et une créativité de premier ordre. Le 4ème exportateur, tous secteurs confondus sur le marché mondial du cuir, regroupe 70 000 salariés au sein de 8 000 entreprises et représente un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros. La France est aussi le 1er producteur mondial des cuirs finis de veau et exotiques et le 3ème exportateur mondial de cuirs, de peaux brutes et de maroquinerie.

Les relations commerciales entretenues avec l’Asie sont dynamiques depuis de nombreuses années. En témoignent les exportations à destination de la Chine, de Hong Kong, du Japon, de Singapour : 50% pour la maroquinerie, 36% pour l’ensemble de la filière Cuir, 20% pour la tannerie/mégisserie. Le choix de la France pour son Focus Country en 2015 conforte l’importance du cuir français et de son industrie pour le salon asiatique situé dans une zone géographique stratégique.

LA GALERIE, organisée par le Conseil National du Cuir à Hong Kong, consacre les savoir-faire à haute valeur ajoutée du cuir français. De la peau brute aux produits finis, c’est la filière toute entière qui s’invite dans une exposition unique, glamour et pédagogique à la fois. Les opérations de salage, de teinture, de couture sellier sont autant de gestes essentiels, spécifiques, photographiés en format géant. Sur un mur d’écrans, des créateurs témoignent de leur passion vécue au quotidien, dans leurs métiers auprès de grandes maisons françaises. Au centre, deux tables immenses mettent en évidence, tels des objets d’art, les pièces uniques de dix artistes entrepreneurs prometteurs. Labellisés ADC au-delà du cuir, ils incarnent la relève par une jeune génération novatrice. LA GALERIE, balisée à ses deux extrémités par l’emblématique Tour Eiffel, conjugue au passé, au présent, au futur les codes réinterprétés de la French Touch.

 

GRAND ANGLE // LE SAVOIR-FAIRE FRANÇAIS, UN ENJEU DÉCISIF

La pérennisation de ses métiers a fait la une des secondes Rencontres du Cuir organisées par le Conseil National du Cuir chez le maroquinier Camille Fournet.

La maroquinerie française représente en termes d’effectifs plus des deux tiers de la filière Cuir pour la partie industrielle. Le secteur, soutenu par les articles de luxe, est particulièrement actif depuis plusieurs années. Camille Fournet, installé dans l’Aisne depuis 1945, est un exemple d’entreprise innovante en région et performante à l’export. Sa diversification - du bracelet montre à la maroquinerie de luxe - a conduit son dirigeant Jean-Luc Déchery à agrandir son site de production à Tergnier et à recruter afin d’optimiser ses savoir-faire.

Une table ronde portant sur la formation et l’artisanat a suivi la visite des ateliers Camille Fournet (octobre 2014). Trois experts de la filière française, invités lors des Rencontres du Cuir, ont dressé un état des lieux, souligné son évolution et ouvert des perspectives.

Crédits : 
Conseil National du Cuir

Yves Morin, Directeur Général de CTC

«  La filière Cuir représente probablement une centaine de métiers différents. C’est un monde vaste et complexe. L’image de l’industrie est en pleine mutation. Quand on parle de formation, on évoque la pyramide des âges. Les besoins au cœur de la filière sont identifiés par les fédérations professionnelles, les écoles, l’Education Nationale… Les dispositifs de formation initiale et professionnelle ne sont pas assez nombreux, c’est une évidence. La formation technique souffre d’un déficit d’image. On a des formations pour être styliste, styliste, styliste… alors que les écoles aux postes de production sont très insuffisantes. On a besoin de jeunes qui intègrent la filière avec le soutien des pouvoirs publics, de l’Education Nationale, des parents. Les régions, cependant, s’approprient les métiers du cuir. Des expériences intéressantes sont menées en Aquitaine, en Ile-de-France, en Rhône-Alpes… Et plusieurs entreprises se développent dans le cuir ».

Patrice Mignon, Président de la Fédération Française de la Maroquinerie

«  La maroquinerie française a remarquablement réussi sur le plan mondial. Camille Fournet prouve qu’une entreprise française indépendante peut grandir en dehors des grands groupes, concilier artisanat et échelle industrielle. Mais la maroquinerie est une branche qui obéit au besoin de valoriser son savoir-faire. La réalité de la formation incite à remettre en avant l’apprentissage. La filière est sous-alimentée en jeunes alors que les PME représentent plus de 90% du secteur ». 

Frank Boehly, Président du Conseil National du Cuir, Président de la Fédération des Enseignes de la Chaussure

« Notre pays a déprécié sa formation professionnelle, la jeune génération choisit trop souvent par défaut. Or, il est capital de pérenniser le savoir-faire tout en attirant les jeunes. La filière du cuir possède de nombreux atouts qui la rendent porteuse. Ainsi, les PME représentent un ascenseur social non négligeable. Les ouvriers spécialisés, bien rémunérés, sont recherchés. Le commerce, qui emploie ¼ de salariés non diplômés, est une porte d’entrée très utile. De grandes marques, à l’image de Repetto, ont créé leur propre école pour assurer la relève. Encourager l’attractivité de nos métiers passe par la revalorisation de l’apprentissage et un plus grand nombre de formations reconnues. Comme celle d’ingénieur cuir, uniquement dispensé à l’ITHEC (Institut Technique et Chimique) et celle de bottier, formier, enseigné par CTC. Notre filière doit redorer l’image d’un cuir qualitatif, communiquer sur l’exception française, les labels… Se doter également d’un fond d’investissement spécifique. »

 

LE CHIFFRE // 6

6%, c’est la hausse des exportations françaises de la filière Cuir en 2014.

Les exportations françaises ont totalisé 8,4 milliards d’euros. La tannerie mégisserie (+5%) et la maroquinerie (+1%) progressent légèrement. Les performances les plus significatives sont celles de la chaussure (+14%) et du vêtement en cuir (+12%).