LES PORTES DU CUIR SOUS LE SIGNE DE L’EMPLOI

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Les Portes du cuir 2018, atelier d'initiation avec les élèves de CAP Maroquinerie du Lycée Porte d'Aquitaine
Les Portes du cuir 2018, atelier d'initiation avec les élèves de CAP Maroquinerie du Lycée Porte d'Aquitaine
Crédits : 
Michel Dartenset

La 6ème édition des Portes du Cuir s’est tenue à Thiviers en Dordogne au lycée Porte d’Aquitaine et Pôle d’Excellence des Métiers du Cuir et du Luxe. La table ronde consacrée au recrutement, à la formation, à l’intégration a marqué l’événement en soulignant le rôle clé de l’attractivité et de l’adaptation.

 

Recruter autrement

Le besoin de main d’œuvre qualifiée est permanent au sein de la filière française du cuir. Or le recrutement est en mutation, tous les professionnels présents l’ont constaté. « Le sacro-saint diplôme ne suffit plus, affirme Stéphane Nade, directeur de Pôle Emploi Nontron-Thiviers. Les entreprises réclament du savoir-faire, du savoir-être, de l’autonomie. La mobilité géographique est un plus mais c’est la mobilité professionnelle qui prend le pas ».

Chez Anthénia, où elle conseille et forme les entreprises en Ressources Humaines, Stéphanie Martin-Prie alerte sur le fait que « les recrutements sont généralement subis et plus intuitifs que professionnels. Les entreprises sont-elles prêtes à s’interroger sur les motivations des nouvelles générations et à repenser leur propre organisation ? Le candidat est sensible au projet, à l’image de l’entreprise, c’est un fait et c’est assez nouveau. Pour les attirer, les entreprises ont besoin de faire connaître leurs métiers. Je leur propose par exemple de constituer une « boîte à outils opérationnels » afin d’identifier leurs spécificités et leurs atouts. Le problème principal est de bien qualifier ses besoins pour définir clairement le poste à pourvoir ». Nicolas Pochelu, en charge des GEIQ Nouvelle-Aquitaine, confirme que « si une entreprise connaît son besoin en compétences, elle n’a pas toujours le temps de le formuler. Les Groupements d’Employeurs pour l’Insertion et la Qualification sont nés des attentes des TPE. Ils sont pilotés par les entreprises elles-mêmes. Leur but est de sécuriser l’embauche en amont ».

Pôle Emploi, de son côté, a développé un outil spécifique, la Méthode de Recrutement par Simulation. « La MRS existe depuis les années 90 mais elle encore méconnue, explique son spécialiste à Pôle Emploi Nontron-Thiviers, Jean-Marie Debrel. Ce n’est pas la recette miracle. Elle est cependant pertinente après une analyse précise des besoins de l’entreprise. Elle vise à repérer les capacités à occuper le poste proposé sans tenir compte de l’expérience, du diplôme, de l’âge ». La MRS permet en particulier de faire face à des recrutements en nombre, comme ce fut le cas chez Rubi Cuir. « Nous avons dû recruter dix personnes rapidement sans impacter la production, précise son responsable de production Cédric Bouchez. Nos critères étaient des connaissances de base en maroquinerie, de la réactivité, des capacités à travailler en équipe ».

 

Former efficacement

Une formation adaptée se construit en amont avec un objectif clairement défini. C’est la conviction de Thierry Voisin, directeur Gestion des Savoir Faire et Intelligence Economique de CTC. « On tend à offrir une mixité d’interventions afin de répondre à différents besoins. La formation en interne est une solution ». Les méthodes de formation sont plurielles, confirme Emilie Menestreau, conseillère Emploi/Formation chez Opcalia TMC pour le département Textile-Mode-Cuirs. Prodiat - créé en 2015 pour faciliter les contrats de professionnalisation sur mesure - est selon elle « un dispositif novateur et pertinent ».
La formation aux métiers du cuir accueille par ailleurs des profils très différents qui ne connaissent pas nécessairement la matière. « Une formation maximale de 400 heures ne peut pas suffire dans notre filière positionnée sur le haut de gamme, ajoute Thierry Voisin. La compétence, la performance s’acquièrent à l’issue de la formation, au quotidien dans l’entreprise ». Gaël Coeuret, responsable industriel chez Repetto, en témoigne. « Je viens du papier. Repetto recrutait sans compétence. J’ai commencé par la logistique puis j’ai intégré la production après une formation CTC de trois mois. Quand je suis arrivé il y a six ans, les salariés étaient monotâches. Aujourd’hui, 80% de l’atelier de production est polyvalent ».

 

Intégrer durablement

L’attractivité territoriale est selon l’économiste Pierre Delfaud un facteur déterminant d’intégration économique. « La filière cuir a redressé son image, en partie grâce au luxe. Pour contrer le turn over, il faut valoriser les perspectives de carrière et de rémunération ». Deux entreprises régionales ont exprimé leur point de vue. « Avec un bon recrutement et une formation adaptée, on garde plus facilement ses salariés, affirme Gilles Lapierre, directeur industriel du chausseur J.M.weston. C’est important de leur faire apprécier la noblesse de leur métier ». Bernard Blaizeau qui a racheté Luxe &Excellence met en avant la bienveillance pour compenser « la grande rupture entre l’école et le marché de l’entreprise. Partager un projet professionnel permet de s’intégrer dans une communauté de travail. Dans l’atelier que j’ai repris, la moyenne d’âge des salariés a non seulement baissé mais je n’ai perdu aucun de mes clients du luxe. J’accueille aussi une vingtaine de jeunes/an dès la 3ème en stage d’immersion. Je crois à une organisation horizontale et à une co-construction ». L’outil digital joue selon lui un rôle décisif. « La transmission n’est plus à sens unique. La jeune génération, pour qui le numérique est instinctif, a beaucoup à nous apporter ». Jean-Louis Nembrini, vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine en charge de l’éducation a conclu la rencontre en insistant sur les synergies à construire. « L’heure est au sur-mesure en formation et la région doit être au cœur de tous les dispositifs avec les entreprises. La Nouvelle Aquitaine veut être expérimentale et exemplaire ».