DES CHAUSSURES ET DES SACS A L’EPREUVE DU TEMPS

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Eram met sur le marché un produit innovant, une basket éco-conçue, réparable et en partie recyclable, baptisée Sessile
Eram met sur le marché un produit innovant, une basket éco-conçue, réparable et en partie recyclable, baptisée Sessile
Crédits : 
Eram

L’économie circulaire est devenue un élément stratégique pour les industries consommant des matières premières en grandes quantités. Pour illustrer l’engagement anti-gaspillage de la filière cuir, le Sustainable Leather Forum (événement organisé par le Conseil National du Cuir) a consacré une table ronde aux initiatives vertueuses dans la chaussure et la maroquinerie.

Définition et normalisation

En France, la loi sur la transition énergétique de 2015, le plan déchets 2025 et la feuille de route gouvernementale sur l’économie circulaire, établie en 2018, tracent les lignes directrices de la politique publique. Anne Benady, responsable Environnement et Economie Circulaire au sein d’AFNOR a tenu à rappeler la définition avant de préciser les travaux en cours menés par le groupe. « L’économie circulaire est un vaste sujet ! Elle est le contraire de l’économie linéaire de notre système actuel, qui repose sur la logique « produire, consommer, jeter ». Elle vise à exploiter la ressource de manière plus efficace, à minimiser l’impact sur l’environnement et à favoriser le bien-être des individus. Dans la pratique, elle est souvent limitée à la gestion des déchets, au recyclage et parfois à l’upcycling. L’Association Française de Normalisation a déterminé sept leviers de transformation : l’approvisionnement durable, l’éco-conception, la symbiose industrielle, une économie de la fonctionnalité, une consommation responsable, l’allongement de la durée d’usage et enfin la gestion efficace des matières ou des produits en fin de vie ». La France est à l’origine de la première Norme pour le management des projets d’économie circulaire. Ce document paru en 2018 a été rédigé par une cinquantaine d’acteurs publics et privés. La Norme XP C30-901, qui a rejoint le comité technique TC 323 de l’ISO, sert de base à un développement en cours des normes à échelle internationale. L’AFNOR accompagne aussi les entreprises en leur proposant des formations et des diagnostics adaptés à leur secteur. C’est le cas de la filière Mode&Luxe, pour laquelle l’AFNOR a identifié plusieurs pistes de travail. « La définition des critères de durabilité sur le plan international et l’indication d’origine des produits sont à l’étude, a ajouté Anne Benady. Elles sont essentielles à l’information du consommateur ».

Des chaussures conçues pour durer

L’économie circulaire est corrélée à la durabilité. Alors que le consommateur est de plus en plus attiré par des produits écoresponsables, les marques spécialisées de la chaussure développent des offres spécifiques répondant à leurs attentes. Le chausseur J.M.Weston, dont l’histoire remonte à 1891, est à sa façon un précurseur. « On s’est distingué, dès l’origine, par une haute qualité et un style atemporel, la demi-mesure, une distribution intégrée et avant tout le cousu Goodyear, qui permet un ressemelage vertueux », énumère Thierry Oriez, aux commandes de la marque française. Selon lui, « le produit le plus responsable est le plus durable. La philosophie de J.M.Weston est d’accompagner nos clients pour que leurs chaussures durent le plus longtemps possible ». Avec Weston Vintage, lancé en 2020, la marque donne un écho particulier à la fin de vie, sujet inhérent à la chaussure. A l’atelier de Limoges, « les artisans remontent la chaussure sur sa forme afin de restituer le chaussant d’origine. La chaussure restaurée conserve sa tige à la patine naturelle ».

Avec Weston Vintage, lancé en 2020, la marque donne un écho particulier à la fin de vie, sujet inhérent à la chaussure
Avec Weston Vintage, lancé en 2020, la marque donne un écho particulier à la fin de vie, sujet inhérent à la chaussure
Crédits : 
J.M.Weston

Avec ses onze marques de mode, 5000 collaborateurs et deux sites de production implantés sur le territoire, le groupe Eram a mené campagne en 2019 avec ECO TLC pour inciter à « réparer, réutiliser, recycler » (campagne RRR). Son directeur industriel, également directeur général délégué à la Manufacture 49, Jean-Olivier Michaux, détaille le programme RSE baptisé « Change For Good ». « C’est un projet d’entreprise à part entière. Nous avons pour objectifs de réduire notre empreinte carbone de 30% à horizon 2050 et de déployer l’éco-conception. Atelier Bocage a été la première enseigne à tester la location de chaussures. C’est un relai de croissance que nous explorons sur le site industriel de la Manufacture 49, qui est en mesure de tracer 100% de nos produits ». Outre le reconditionnement de chaussures, Eram met sur le marché un produit innovant, une basket éco-conçue, réparable et en partie recyclable, baptisée Sessile. Une initiative porteuse, si l’on considère qu’une paire de chaussures sur deux en moyenne, vendue dans l’hexagone, est une sneaker…

Produire, consommer différemment

Les matériaux naturels associés à des techniques manuelles et à une production locale génèrent un impact carbone nettement inférieur aux produits largement diffusés sur le marché. C’est le constat qu’a fait Alexandre Rousseau, co-fondateur, en 2009, de la PME aveyronnaise de maroquinerie, Bleu de Chauffe. « La dimension sociale et environnementale est présente depuis les débuts de la marque. Auparavant, je développais des produits tout au long de l’année en Asie… Bleu de Chauffe propose des sacs d’inspiration workwear, entièrement réalisés à la main, en cuir à tannage végétal. Nous valorisons non seulement le cuir, qui est un rebut de l’industrie de la viande et du lait mais aussi les chutes que nous intégrons dans nos plans de collection. Notre impact est mesuré et la durabilité infuse tout notre ADN ». En dix ans, l’entreprise est passée de deux à vingt artisans pour répondre à la demande.

Crédits : 
Bleu De Chauffe

Quelques années ont suffi aussi pour que la start-up Vestiaire Collective devienne la première plateforme mondiale de seconde main. La maroquinerie représente la moitié des deux millions de produits référencés… « L’idée de consommer différemment et d’étendre la durée de vie des produits existe depuis le départ, explique Clara Chappaz, Chief of Growth Officer. Vestiaire Collective est fondé sur l’adaptation au changement. Notre communauté (10 millions de membres) se compose de fashion activists. Les jeunes générations ont envie de porter les produits, pas forcément de les garder ». La plateforme a réalisé son rapport biannuel sur l’essor de la seconde main dans le luxe depuis le Covid. L’occasion, le vintage - autour du style pérenne et des pièces d’investissement -, la durabilité et la responsabilité sont les grandes tendances de fond.