Sophie Grégoire, 3ème génération de la maison Agnelle basée à Saint-Junien

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Sophie Grégoire dirigeante de la ganterie Agnelle
Sophie Grégoire dirigeante de la ganterie Agnelle
Crédits : 
Agnelle

La maison Agnelle à Saint-Junien incarne depuis 1937 l’un des fleurons de la ganterie française. Sophie Grégoire, troisième génération, préside la manufacture labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant il y a dix ans.

 

Agnelle est une histoire de famille et de femmes qui vous ont passé le flambeau. Comment vous inscrivez-vous dans cette filiation ?

Marie-Louise Pourrichon est celle qui a installé Agnelle. Elle est la bâtisseuse de la ganterie au centre de Saint-Junien. Elle avait 18 ans quand elle a épousé mon grand-père. Elle a eu l’idée d’un bâtiment très moderne, elle a relogé les gens… Ma mère (Josie Le Royer) a épousé mon père qui est péruvien. Elle a fait preuve de beaucoup de courage quand elle a repris l’entreprise en 1965. Elle a osé aller à Paris, rencontrer les couturiers, tisser des liens avec Jean Paul Gaultier, Alaïa ou Mugler, se mettre au service du client. C’était précurseur pour l’époque. Moi, je sortais du lycée et j’avais une intelligence pratique… Ma mère m’a fait confiance. J’ai dû faire ma place. Aujourd’hui, je dirige seule depuis 17 ans.

 

Que vous ont-elles transmis ?

Ma grand-mère et ma mère étaient des femmes brillantes, audacieuses. En réalité, elles ne calculaient pas, n’avaient pas de stratégie particulière. Avec le recul, c’est probablement ce qui nous a sauvés. Je continue à gérer à l’affect.

 

Quelles sont les étapes clés de l’entreprise ?

Agnelle reste une petite entreprise artisanale. C’est difficile de continuer sans s’arrêter. La licence Christian Dior que ma mère a signée nous a permis de rebondir à un moment où le gant ne se portait plus. Elle nous a apporté une petite expérience en matière de vente. Car Agnelle n’a vraiment été exploitée en tant que marque qu’à partir de 1990. L’atelier en France n’aurait pas survécu si je n’avais pas lancé une production aux Philippines. Etant donné le prix de la matière première et de la main d’œuvre, ce serait par exemple impossible d’être distribué dans les grands magasins. Je n’avais pas 20 ans quand je suis partie aux Philippines sans parler anglais… Je n’ai jamais considéré ce site en opposition avec Saint-Junien. Il fallait s’adapter aux besoins du marché. J’ai fait le choix de garder le made in France et de produire ailleurs en parallèle. En 2001, j’ai racheté l’entreprise que ma mère avait vendue en 1999. Il n’y avait pas de repreneur. Cela fait mal au cœur que les entreprises sortent des familles.

 

Quid de l’export et des collaborations mode ?

Je suis arrivée dans l’entreprise au moment où s’arrêtait la licence Dior. La marque s’est rapidement développée à l’export. La Russie est le premier marché hors Europe. Les Etats-Unis sont porteurs, de même que la Grande Bretagne qui compte de gros acteurs dans le digital. Nos créations pour les marques de mode (Louis Vuitton, Dior, Givenchy…) sont fluctuantes. Les cobrandings depuis Anthony Vacarello sont des coups de cœur, des histoires chaque fois différentes. C’était excitant d’associer le cuir et le plastique avec Wanda Nylon, d’accompagner Guerlain sur les Champs Elysées, de dialoguer avec Jean Charles de Castelbajac… On a toujours peur que le gant disparaisse, nous sommes sensibles à la température, aux tendances… Echanger avec des jeunes créateurs permet d’appréhender la vision mode des millennials.

Agnelle et Jean-Charles de Castelbajac
Agnelle et Jean-Charles de Castelbajac
Crédits : 
Agnelle

 

Que représente pour vous l’ancrage territorial que défend le label EPV ?

Le label est un peu l’équivalent des Trésors Vivants au Japon. C’est un label qui me faisait rêver et je suis très fière qu’Agnelle ait fait partie des premiers à l’obtenir. C’est une reconnaissance entre professionnels d’un savoir-faire rare et un atout pour se différencier. Son contrôle doit être strict. Je veille par exemple à ne pas le mettre en avant avec les gants produits aux Philippines. Par conviction, l’approvisionnement des peaux est européen. Je me fournis chez Colombier pour sa tradition d’agneau plongé en couleur. Et les vrais héros de notre métier sont les artisans. Nous sommes une vingtaine à l’atelier de Saint-Junien. Je m’inspire justement du lieu pour refondre la charte graphique d’Agnelle, réaménager l’atelier, lancer un site internet avec une vision tournée vers l’avenir…